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Améliorer les propriétés du bois grâce au plasma

Rendre le bois plus résistant au feu, à l’abrasion, à l’eau et plus compatible au collage à l’aide d’un procédé naturel… Science-fiction ou réalité? Jacopo Profili, chercheur à l’Université Laval, croit pouvoir y parvenir grâce à un traitement du bois par plasma. Il a accepté de nous ouvrir la porte de son univers étonnant et de nous faire part de ses projets ambitieux pour révolutionner l’industrie du bois.

C’est par pur hasard que Jacopo Profili a découvert les plasmas. Italien d’origine, Jacopo a étudié la science des matériaux en France, plus particulièrement leur physico-chimie. C’est dans l’un de ses cours de Master 2 qu’il a abordé le sujet. « Ce qui m’a tout de suite étonné avec le plasma, c’est la possibilité de produire des réactions qu’on ne peut pas faire avec la chimie classique », s’enthousiasme Jacopo Profili. On peut donc créer de nouveaux matériaux et réaliser des modifications qu’on n’arrivait pas à faire jusqu’à aujourd’hui avec des procédés classiques. »

Mais qu’est-ce que le plasma, exactement? « Globalement, c’est le quatrième état de la matière, explique-t-il. On a d’abord l’état solide, liquide, puis gazeux. En y amenant plus d’énergie, le gaz va s’ioniser : des atomes et des molécules vont alors perdre des électrons ou simplement acquérir plus d’énergie. Cela va former une sorte de soupe avec des ions, des électrons, des photons, des molécules et des atomes qui sont tous mélangés ensemble. » Cet état très énergétique de la matière est à la base de l’Univers. « En fait, si on enlève ce qui a trait à la matière noire, 99 % du reste de l’Univers, c’est du plasma », ajoute Jacopo Profili. Étoiles, nébuleuses sont ainsi toutes des exemples de cet état plasma. Ce dernier est toutefois moins présent sur Terre, bien qu’on le retrouve dans la foudre ou des aurores boréales, par exemple. On est en revanche capable de reproduire l’état plasma en laboratoire avec de l’électricité en appliquant un courant entre des électrodes.

On peut distinguer quatre types de plasma : le plasma basse pression, le plasma haute pression, le plasma chaud et le plasma froid. Il est aussi possible mélanger ces états afin de créer du plasma haute pression chaud ou froid, par exemple. Ces différents types de plasma ont, aujourd’hui des applications industrielles très intéressantes. On utilise ainsi beaucoup le plasma froid basse pression dans l’industrie de la microélectronique. De plus, depuis quelques années, on emploie le plasma à pression atmosphérique (haute pression) pour la modification de surfaces de produits fabriqués à la chaîne et ainsi, réduire les coûts de production. « Par exemple, lors de l’imprégnation du bois, on utilise souvent des chambres sous vide (basse pression). Il faut alors utiliser des pompes, et ce sont surtout des traitements en lot. On élimine donc l’intérêt d’une production continue et ça coûte cher! Un traitement plasma pourrait améliorer cela. », précise Jacopo Profili.

Le bois et le plasma : des applications quasi infinies!

Dans le cadre de son doctorat, Jacopo s’est justement intéressé davantage à des traitements par plasma à la pression atmosphérique pour les produits forestiers. Plus précisément, il a développé un procédé de synthèse pour la création de couches minces nanocomposites par décharge atmosphérique sur des substrats de bois. Son but? Développer un bois technologiquement avancé possédant de nouvelles propriétés de surface avec un procédé plus respectueux de l’environnement. « Le bois est une ressource naturelle qui offre beaucoup d’opportunités d’innovation », s’enthousiasme-t-il.

Poursuivant ses travaux au Québec, d’abord à l’Université de Montréal, il a alors travaillé étroitement avec FPInnovations sur l’amélioration des propriétés barrières de produits faits à partir de nanocellulose ou de microfibrilles de cellulose pour l’industrie papetière. Pendant cette période, il s’est aussi penché sur l’interaction chimique de matériaux issus du bois avec différents liquides. Il est d’ailleurs l’un des chercheurs derrière le développement d’une batterie aux ions de lithium plus verte grâce au plasma et à un dérivé de la cellulose qui a été reconnue cette année comme meilleure innovation au Québec par le journal Québec Science.

Jacopo Profili est maintenant chercheur à l’Université Laval et il travaille dans le laboratoire du professeur Gaétan Laroche. Il collabore avec d’autres chercheurs pour modifier les affinités chimiques de fibres naturelles de lin qui seront introduites dans des matrices composites. Ce chercheur travaille également avec la professeure Véronique Landry, du département de foresterie à l’Université Laval, pour le développement d’un nouveau procédé visant à protéger le bois du feu avec la technologie plasma.

« Le plasma n’est pas la solution à tout, admet Jacopo Profili. Mais il permet d’améliorer les technologies existantes et il s’insère de manière complémentaire dans les procédés de fabrication pour rendre certaines étapes du processus plus simples, efficaces ou moins coûteuses. »

Ce chercheur est convaincu que le plasma peut aider l’industrie du bois de plusieurs manières.

Lors de la découpe, par exemple, le plasma permet d’améliorer la durabilité des outils de coupe avec une nitruration des surfaces. Le plasma permet également d’homogénéiser la surface du bois afin de faciliter l’imprégnation d’une couche d’un produit de protection ou d’une colle. « Il est aussi possible de déposer quelque chose sur le bois à l’aide du plasma, c’est-à-dire qu’au lieu de modifier la surface, on peut produire une couche très très fine à partir de précurseurs chimiques. »

L’avantage du plasma, selon lui, réside dans le fait que les processus chimiques se font à l’état gazeux, ce qui permet finalement d’utiliser moins de produits et de solvants. Cela en fait un procédé très intéressant du point de vue de l’environnement. « Dans le cas de la protection au feu, par exemple, j’espère qu’on arrivera à démontrer qu’on n’a pas besoin d’une couche de 50 microns pour protéger le bois et qu’une couche encore plus fine peut s’avérer efficace. »

Ce que souhaiterait Jacopo Profili, ce serait de pousser l’industrie du bois vers des nouveaux horizons et créer des produits et des procédés toujours plus innovants. Dans ce sens, il voudrait développer des couches à haute valeur ajoutée pour le bois. « On parle ici de couches conductrices, de couches thermorésistives, de couches photovoltaïques, précise-t-il. Ce sont des couches qui nécessitent en fait beaucoup plus de recherche et qui sont faisables par plasma sur d’autres surfaces, mais leur synthèse est plus compliquée sur des substrats de bois en raison de leur non-homogénéité et de leur porosité. » Un de ses partenariats de recherche avec un département de foresterie au Brésil l’amène actuellement à développer des cellules photovoltaïques organiques sur des substrats à base de papier. « L’idée, c’est d’utiliser des ressources renouvelables, comme le bois, pour développer des produits technologiques innovants. »