You need to enable your cookies to buy on this website.

Connexion
Politique de protection des renseignements personnels Inscription

Actualités

De nouveaux engagements envers la construction bas carbone – entrevue avec Gabrielle Pichette

22 avril 2024

À l’issue du premier Forum Mondial Bâtiments et Climat, tenu à Paris les 7 et 8 mars derniers, 70 pays, dont le Canada, ont signé une importante déclaration commune pour la réduction des émissions de gaz à effet de serre (GES) dans le secteur de la construction. Gabrielle Pichette, conseillère technique Construction durable chez Cecobois, était présente à cet événement majeur et nous explique les implications de cet engagement.

InfoBOIS : En quoi consistait le Forum Mondial Bâtiment et Climat ?

Gabrielle Pichette (GB) : Lors de la dernière COP 26, la création de Breakthrough Agendas a été lancée. Cette initiative vise à accélérer les actions internationales dans le cadre de sept secteurs d’activités très polluants afin de focaliser davantage sur des solutions spécifiques pour chacun. Le Forum Mondial Bâtiments et Climat se penchait donc spécifiquement sur le secteur du bâtiment, qui est responsable de 37 % des émissions de GES à l’échelle mondiale. Près de 1 800 représentants gouvernementaux et de la construction bas carbone à travers le monde étaient présents pour échanger sur les meilleures pratiques en matière de matériaux biosourcés et de politiques pour diminuer l’empreinte carbone des bâtiments.

Oui, il était question d’efficacité énergétique, mais j’ai été étonnée de voir à quel point le carbone intrinsèque était considéré dans les discussions. C’était très diversifié. En plus des panels thématiques, il y avait également des activités organisées par Construction21 en marge du Forum, notamment des visites de bâtiments bas carbone.

InfoBOIS : Selon vous, que devrait-on retenir des discussions tenues dans le cadre de ce Forum et des engagements signés ?

GP : Tout d’abord, on constate qu’on s’en va dans la bonne direction, mais pas assez vite. En effet, l’Agence internationale de l’énergie estime que pour se mettre sur la voie d’un parc immobilier sans émissions de carbone d’ici 2050, les émissions directes de CO2 des bâtiments devront diminuer de 50 % d’ici 2030.

La réalité est qu’on a besoin de plus d’investissements publics et privés pour répondre aux objectifs de décarbonation. La bonne nouvelle, c’est que la Déclaration de Chaillot, signée par 70 pays dont le Canada à l’issue du Forum, comprend un engagement afin que les pays signataires mettent en œuvre un cadre financier adapté avec des incitations financières, fiscales et des outils réglementaires dans le but d’augmenter la part des bâtiments résilients, quasi nuls en émissions de GES et abordables.

La Déclaration prévoit un autre point important : celui d’avoir une feuille de route avec des objectifs progressifs afin de permettre à tous les paliers de réglementation et à toute la chaîne de valeur de se l’approprier. Il faut s’assurer que les objectifs descendent dans tous les paliers de réglementation afin qu’ils soient bien implantés. Il est également essentiel d’offrir des programmes de formation pour assurer la transition vers une industrie du bâtiment bas carbone.

InfoBOIS : Que croyez-vous que l’on puisse faire au Québec afin d’accélérer la décarbonation de la construction ?

GP : Il n’est pas nécessaire de réinventer la roue! On peut tout simplement s’inspirer des politiques de certains pays et les adapter à la réalité québécoise. En France, par exemple, des analyses de cycle de vie sont requises au moment de la construction de nouveaux bâtiments, lesquels doivent également se conformer à des exigences de performance qui prévoient des valeurs limites en Kg éq. CO2/m2. Un autre exemple est l’organisation du Nordic Sustainable Construction qui vise à harmoniser les politiques dans les pays scandinaves et partager leurs savoirs à travers ces régions et au-delà.

Il faudrait non seulement mettre en place des codes et standards, mais aussi s’assurer que ceux-ci soient bien implantés. Par exemple, il sera nécessaire de bien réfléchir à quel moment l’analyse du cycle de vie sera demandée dans le cadre du projet et des dispositifs mis en place pour assurer que ce soit respecté. Si on demande une analyse de cycle de vie avant de remettre un permis de construction, il faudra notamment s’assurer qu’elle soit envoyée au bon endroit et qu’il y aura des pénalités pour inciter des professionnels à la faire. Ça vaut aussi pour les projets de rénovation. Pendant le Forum, Ramboll, une firme de consultants en ingénierie et architecture, a d’ailleurs lancé une base de données volontaire d’analyses du cycle de vie du bâtiment en Europe afin de faciliter le travail des professionnels de la construction. C’est une initiative très importante, parce que les données d’analyse de cycle de vie de bâtiments sont encore aujourd’hui souvent peu accessibles publiquement. Il faut justement que ce soit plus transparent et connaître notre point de départ en termes d’émissions de GES afin d’établir des seuils de réduction progressifs. De plus, il ne faut pas attendre que les données soient parfaites pour commencer à prendre en compte le carbone intrinsèque et l’analyse du cycle de vie. Plus les analyses du cycle de vie seront demandées, plus cela va générer des données et les rendre accessibles. Dans ce sens, Cecobois travaille déjà à la création d’une banque de données d’analyse de cycle de vie de bâtiments pour le Québec en collaboration avec plusieurs bureaux de professionnels et experts.

Je sens que le Forum a créé un momentum dans l’industrie. On sentait cette motivation sur place et la volonté de passer à l’action. J’ai déjà hâte de voir comment ça va se concrétiser ici sur le terrain dans les prochains mois, sachant qu’un projet de loi sur la performance environnementale des bâtiments vient d’être adopté au Québec.

Extrait des engagements de la Déclaration de Chaillot

  1. Mettre en œuvre des feuilles de route, des cadres réglementaires et des codes de la construction et de l’énergie contraignants afin de tendre vers des bâtiments plus neutres en carbone.
  2. Mettre en œuvre un cadre financier adapté avec des incitations financières, fiscales et des outils réglementaires afin d’augmenter la part des bâtiments résilients, quasi nuls en émissions de gaz à effets de serre, et accessibles.
  3. Promouvoir l’adoption de labels, de standards et de certifications.
  4. Montrer l’exemple en adoptant des politiques ambitieuses en matière de marchés publics.
  5. Promouvoir la production, le développement et l’utilisation de matériaux de construction faibles en carbone, durables et à coûts limités.
  6. Promouvoir les chaînes de valeurs collaboratives et la recherche & le développement de solutions innovantes.
  7. Améliorer les compétences en renforçant notamment le savoir-faire local prenant en compte les stratégies d’atténuation et d’adaptation.
  8. Développer une gouvernance à plusieurs niveaux, une coordination entre les différentes parties prenantes et une approche plus participative afin de garantir une coordination de la mise en œuvre.
  9. Développer des outils et des cadres réglementaires afin de collecter et partager les données et les bonnes pratiques.