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Quand la construction se met au diapason du développement durable, ou l’approche DfD

10 août 2021

Vous avez sans doute déjà remarqué ces modules préfabriqués temporaires attenants aux écoles trop bondées dans certaines régions du Québec? Ils sont parfois comparés à des bunkers de prisonniers. Il existe pourtant une alternative à ces bâtiments à l’esthétique sans attrait. Une école préusinée pouvant être démontée, réaménagée et ayant belle allure? Elle existe, à Amsterdam. Elle a été conçue avec l’approche Design for Disassembly (DfD), qui permet justement de remodeler sans démolir. Les systèmes de construction industrialisés (SCI) ouvrent la porte à cette approche et c’est en l’adoptant que l’industrie de la construction au Québec aura en main la clé pour entrer dans l’ère du développement durable.

Même si le vocable industrialisé est rarement associé à l’expression développement durable, le cas des SCI fait exception, comme l’explique Roger-Bruno Richard, professeur titulaire à la Faculté d’aménagement de l’École d’architecture à l’Université de Montréal. Car qui dit développement durable dit absence de gaspillage. Les protocoles stricts de contrôle de la qualité, la normalisation des détails de même que la précision de l’outillage réduisent les risques de déficiences et permettent justement d’éviter le gaspillage.

«Ce qui se déroule en usine est à l’abri des perturbations climatiques et permet d’amortir des procédés capables de simplifier la production; donc de réduire les coûts, signale M. Richard. De plus, les étapes d’une ligne d’assemblage sont rationalisées et la configuration du produit vise à favoriser l’installation sur le site».

Recyclage et réutilisation ne font désormais qu’un. L’adaptabilité aux changements et aux besoins est l’un des atouts des SCI. Le recours aux jointements mécaniques (boulons) plutôt qu’aux adhérences chimiques (soudure, mortier, colle…) fait en sorte que ces joints ne sont pas irréversibles. On peut donc aisément démonter les modules ou leurs cloisons, partiellement ou en totalité, pour pouvoir  ensuite les reconfigurer. « Et même si ce sont des éléments uniformisés, on peut les assembler de multiples façons », souligne M. Richard.

Les activités humaines étant en constante évolution, il est essentiel que le bâtiment puisse répondre à des besoins différents sans démolition… et s’inscrire pleinement à l’agenda du développement durable.

C’est ce que l’on nomme désormais l’approche Design for Disassembly (DfD). On fait aussi souvent référence au Design for Manufacturing and Assembly (DfMA) lorsqu’on parle des SCI. Alors que la «préfabrication» indique un travail fait d’avance et/ou ailleurs quel que soit le niveau technologique, le DfMA implique un design simplifié en vue de faciliter l’usinage et l’efficacité de l’assemblage, selon le professeur Richard.

Moins de pertes

Il y a en effet de quoi s’y intéresser, car l’adaptabilité des SCI expliquée ci-haut va de pair avec d’autres qualités en matière de développement durable.

D’abord, l’usine reçoit de ses fournisseurs des éléments précoupés ayant des dimensions standardisées et achemine au chantier des assemblages prêts à installer, ce qui permet d’éviter les pertes, qui sont de 50% moins élevées qu’avec le recours au béton coulé sur le site. Comme la démolition représente 90% des pertes associées à l’industrie de la construction, le fait de l’éviter – et qui plus est, de valoriser à long terme les éléments de la construction– répond fortement aux exigences du développement durable.

Photo : École Klein. SeArch

De l’école à l’espace pour amateurs de F1

À Amsterdam, au moins une école évitera le débordement même lorsque d’autres petites familles voudront y inscrire leur marmaille. L’École Klein, construite entre 2017 et 2019, était constituée au départ de 34 modules volumétriques de 8,7 mètres X 3,30 mètres pouvant accueillir 180 élèves. On y ajoutera 14 modules dans quelques années et 360 jeunes pourront y suivre leurs cours. Par la suite, le tout est destiné à être relocalisé.

Au Japon et en Australie, les maisons préusinées Shawood de l’entreprise Sesikui House sont constituées de poutres et de colonnes en bois lamellé à jointements boulonnés encapsulés. Leur montage est facile et rapide en raison de l’encoche supérieure ouverte du connecteur en « U », qui permet par la suite d’aligner les autres boulons.

Au Québec, L’Espace Paddock du circuit Gilles-Villeneuve, au parc Jean-Drapeau, à Montréal, est le premier bâtiment en bois d’ingénierie démontable sans démolition. Il est d’ailleurs le lauréat du Grand Prix d’excellence 2020 de l’Ordre des architectes du Québec (OAQ) et ex aequo dans la catégorie Concept structural aux Prix d’excellence Cecobois 2021.

Fait cocasse, la construction préusinée n’était pas préméditée, explique Éric Gauthier, architecte chez FABG, qui a conçu le bâtiment en poutres et colonnes assemblées à l’aide de boulons. «Nous devions réaliser un gros projet en un court laps de temps, en hiver, alors la préfabrication était une option intéressante» relate-t-il.

La structure démontable cadrait d’ailleurs fort bien avec l’esprit d’Expo 67, dont les bâtiments sont démontables.

Éric Gauthier souligne que le choix de la construction industrialisée s’est imposé en cours de conception comme une prise de conscience environnementale.

Espace Paddock. Photo : Gracieuseté